Un accident est si vite arrivé [PV Valeria]

Nous, humains, lycans, vampires… Il nous faut nous adapter, ou nous disparaissons. Je ne faisais pas exception à la règle, tout prédateur que j’étais et j’avais appris à conduire depuis longtemps, trop longtemps certainement. J’étais trop confiant. Il avait plu et les chemins étaient glissants. Mais qu’importe pour moi qui conduisais depuis plus de vingt ans, je pensais maîtriser mon engin.

C’était une belle voiture, une Rover déjà assez âgée d’un blanc cassé que je trouvais – et que je touve encore – raffiné. Toutes les couleurs ne se valent pas. Les courbes étaient belles et douces. Son moteur, bien que dépassé, émettait un bruit rassurant, comme le ronronnement d’une grosse chatte qui aurait aimé mes genoux et mes caresses. C’était ma voiture préférée, je n’aimais pas les masses imposantes et sans style des jeunettes.

Le voyage avait été long, la routine avait été un excellent sédatif. La radio que j’avais fait installer crachotait des voix nasillardes. Ma vilaine curiosité me poussa à investiguer la cause de ce trouble et je me penchai vers elle, la source de mon irritation musicale. Elle faisait de la résistance, l’effrontée ! J’avais beau tripoter tous les commutateurs et regarder tous les indicateurs, rien n’y faisait, elle s’obstinait. Moi aussi.

Les voix montaient, descendaient, de plus en plus affreuses et déformées. Je ne voyais plus qu’elle, ma radio, et ses boutons, et ses fentes par lesquelles le son criard s’échappait. Je percevais encore les phares des voitures qui me croisaient mais tout allait bien. Mes sens développés par ma nature si particulière me permettaient – du moins le pensais-je – de tenir un œil vigilant à la fois sur la route et sur la mécanique.

Trompeuse sûreté. Il ne fallut pas un milliers de yards pour que soudain, un choc me tira de mes recherches. C’était un choc si terrible que sur l’instant, j’arrachai la mollette du son que je tenais en main. Ebahi, cherchant à comprendre malgré les tonneaux, je voyais le paysage tournait à travers le pare-brise qui bientôt se brisa. Je sentais les coups endurés pas la malheureuse carrosserie qui devait être plus cassée que blanche…

Le fatras de perceptions s’arrêta enfin, ma tête heurta durement le volant.

…

Je saignais. Oh, rien de grave, mais le tissu collant de mon col indiquait que du verre s’y était infiltré. Piteuse apparence. Moi, un vampire d’un demi-millénaire, je m’étais laissé surprendre comme un humain d’un cinquième de siècle. Je ne sais, de la honte ou de l’étourdissement, laquelle des deux raisons me maintint le plus immobile, la tête et les mains sur le volant.

Valeria se demandait ce qui lui arrivait. Elle avait tenu tout ce temps.. Un an, sans aucune bêtise, sans rien, pas un rail, pas un fix, ni même une clope ou une goutte d'alcool.. Et la.. Elle avait craqué. Pas grand chose, juste du whisky dans le verre de Chris, mais elle savait que tôt ou tard, malgré sa promesse, tout recommencerait, et ca lui faisait peut, même si en un sens elle en avait envie..
Elle décida de se défouler un bon coup sur sa batterie. Mais sans succès, elle ne comprit d'ailleurs pas pourquoi. Mais ne dit rien, et se résigna. Elle monta rechercher ses ancêtres de baskets dans un coin de carton pas encore ouvert, et les chaussa, vissa les écouteurs de son I-pod, et partit. Il fallait qu'elle coure, ca faisait plus d'un an qu'elle avait arrêté, mais dieu ce que cela lui faisait du bien !

Elle parcourait les bois, bien qu'elle ne les connaissait pas, qu'elle sache que c'était dangereux, il fallait qu'elle se défasse de cette idée. Absolument. Elle arriva à une route, et retira un écouteur pour entendre une voiture en approche quelconque. Au lieu de quoi elle entendit un crissement de pneus, un bruit de tôles froissées, et une voiture cabossée passa en trombe devant elle. Logique imparable de la jeune fille, si une voiture passait, ce n'était pas celle-la qu'elle avait entendu tomber.. Elle courut donc dans la direction d'où venait la voiture noire, et découvrit, une fois arrivée, un tas de tôles froissées en contrebas. Oui, parce que cet amas de verre et de blanc ne ressemblait plus en rien à une voiture, à part les pneus.

L'Italienne descendit la pente, la voiture risquait d'exploser, elle le savait, mais elle avait vu une ombre à l'intérieur.. Elle arriva donc à côté des tôles blanches, et vit par la fenêtre brisée qu'il y avait effectivement quelqu'un, curieusement immobile, des morceaux de verre dans le cou..
Sans même demander s'il allait bien ou quoi que ce soit -s'il ne bougeait pas, c'est qu'il y avait une raison- elle réussit après quelques efforts bénins à ouvrir la porte. Elle prit un morceau de verre qui trainait la, coupa la ceinture, et le tira dehors jusqu'à une distance qu'elle jugea de un suffisante, et de deux elle commencait à fatiguer.. Ca faisait deux heures qu'elle courait avec pour but de s'épuiser, voila, c'était fait.

Elle regarda tout de même le cou du jeune homme.. Elle ne pouvait pas retirer le verre sans en laisser des milliers de particules qui risquaient d'infecter le tout..

- Ca va, vous allez bien ?..

Je dois dire que j’ai été surpris. Etourdi et les esprits en vadrouille, je me suis retrouvé tiré par le bras par une jeune humaine pas plus grande que trois pommes d’amour. Elle était mignonne, mais on eût dit une poupée plus qu’une adulte. Elle me posa une question… rationnelle.

- Ca va, vous allez bien ?...
- Euh… oui ?

Quelque chose me chagrinait, mais je ne savais pas quoi. Ca ne pouvait pas être elle, elle n’avait rien de suspect. Je mis ma main à mon cou, il saignait, mais c’était normal. Je regardai mes vêtements. Ils étaient à peine froissés. Et soudain, je réalisai…

- Oh chère demoiselle, nous devons fuir cet endroit.

La vigueur de ma nature séculaire prit le pas sur mes premiers émois et je trainai la typesse avec vigueur le plus loin possible de ma pauvre Rover. Il fallait se hâter, au diable mon apparence ou la sienne, ou mon cou, ou sa petitesse.

- Funérailles !

Il y eu un bruit si formidable qu’il me fit mal aux oreilles. Une explosion si vive qu’elle éclaira les environs comme en plein jour. Je me retrouvai sur la mortelle. Inconsciemment, j’avais protégé le beau sexe, j’avais oublié son statut de proie potentielle.

- Oh ! Veuillez excuser cette familière proximité.

J’étais ennuyé, gêné. Un homme ainsi allongé sur une femme, c’était indécent. Je ne savais où regarder. Je me décidai tout de même à me relever et… je la relevai à son tour. Un peu trop rapidement et un peu trop aisément pour un humain sans doute mais je n’y pensais pas alors.

- Euh… comment vous sentez-vous ?

C’était à mon tour de m’enquérir de sa santé. J’avais oublié que de nous deux, c’était moi qui saignais le plus. Mais mon cou était déjà en train de cicatriser.

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