Une autre réalité - suite - [PV Vicky Madhison]

[HRP]Suite de ce RP.[/HRP]

Une sorcière entraîne un sorcier dans son abri, elle est aussi blonde qu'il est brun, aussi insouciante du vampire immortel qu'il en est soucieux. Dans l'opacité clandestine de la nuit tombée, sa contenance ne trahit pas d'émotions... pourtant, il a les muscles qui se crispent, les pensées qui s'envolent vers son frère. Prédateur, tueur, Azrael court vers elle. Jeune, joviale, Vicky s'en tourmente-t-elle? Entre les deux essences différentes, mêlé aux deux karmas, Nathanael s'interroge... mais la maison, puis le salon sont déjà là.

J'avais demandé à mon frère de ne pas approcher Aloycia.

Tiré de sa torpeur, il répond du tact au tact. Il n'a pas eu le temps de réfléchir et encore moins de penser à une quelconque dissimulation. Maintenant, Vicky A. Madhison sait le début, il faudra lui donner la fin. Une demi-explication n'est pas une explication, au mieux un hameçon pervers pour la demoiselle au pire une fuite lâche de ses propres paroles. Le latin se pince les lèvres, ses deux iris bleu pâle brillent de l'hésitation qui précède le grand saut. Ce qui vient est sujet à controverse.

Azraël et moi sommes jumeaux depuis sa naissance et depuis ma première incarnation, ceci est ma presque trentième vie. A chaque fois, nous sommes attirés par les mêmes personnes.

C'est fait. Une inattention de quelques secondes et le passé est révélé. Oh! Il aurait préféré le travestir, le dissimuler, le tordre pour le rendre présentable, cet accompli irréversible! Mais voilà, c'est fait. A-t-il honte de son frère? Du tout, sa morale n'est pas en cause. On ne balaie pas d'un revers de la main un passé de plusieurs siècles! Par contre, des boucles blondes devant lui s'interrogent sur son attachement à celui qui les a - probablement - assaillies. Parfois, on aimerait que la vie soit simple.

Malgré la fusion de nos destins, la nature nous a voulus différents. Si j'ai un côté sombre comme tout être pensant et ressentant, il n'est pas aussi développé que celui de mon frère.

Dans cette vie. Pas dans les autres mais il ne sert à rien de tout dévoiler, n'est-ce pas? Nathanael ne manque pas de neurones, encore moins d'expérience. A défaut de deviner ce qui se passe sous les traits délicats de la poupée de porcelaine, au moins peut-il montrer qu'il est conscient. De l'énormité qu'il vient d'avouer. De l'abstruse situation. De l'ambigüité de ses sentiments. De l'immuabilité des cycles.

C'est difficile à croire je suppose... mais c'est ainsi.

Enfin, il quitte ses airs placides et fatalistes pour tenter un geste humain. Il y a la table entre eux mais qu'importe... Sa main droite s'avance vers le cou fin de la jeune fille. Dissimulé par les étoffes lourdes de la saison, il ne dévoile pas son apparence. C'est un cou pudique que Nathanael aimerait mettre à nu. Pour le soigner d'abord... et sûrement pour le toucher ensuite. La peau est, après tout, le premier et le plus intime des emballages. Un organe externe, vivant, palpable, texturisé, doucement odorant.

Euh... tu as eu à faire à mon frère. Il t'a blessée? J'ai le don de guérison, je peux soigner des marques éventuelles.

Le soigneur se penche vers elle, ses doigts se déroulent comme un éventail sur elle vers le col cachottier. L'index, le majeur, l'annulaire frôlent le derme de cette si tendre région du corps. Ils glissent le long de la courbe couleur gypse. S'il ne le retenait pas, elle sentirait son souffle sur son cou.

Je suppose que tu es sorcière comme moi?

Mes questions avaient beau avoir leur réponse, je n'en étais pour le moins pas complètement satisfaite jusqu'à présent. Il venait enfin de répondre à une de mes questions et d'argumenter sa réponse. Azrael pouvait donc être attiré par moi, cependant, il a préféré garder pour lui sa chère et tendre Aloycia. Avait-il peur de quelque chose ou bien Aloycia possédait-elle un charme plus important sur lui que je ne l'imaginais ? Ces interrogations devaient restées personnelles, je ne devais nullement lui en faire part.

Son geste trahit la distance qu'il met. Pourquoi chercher un contact ? Lui manquais-je oui lui manquait-il ? Je me sentais extrêmement gênée, mais je ne faisais rien pour me débattre concrètement. Des frissons parcouraient entièrement mon être, celle que j'étais avait souvent ses moments d'absence et laissait place aux ancestraux désirs d'une pauvre torturée que j'étais. Je me levai brusquement de ma chaise, avec maladresse exposant bien mon inaptitude à rester de marbre.

"Non non... Moi je l'ai blessé du moins, mentalement... Je n'ai pas encore bien compris la nature de mes dons..."

Il devait percevoir dans mon regard la peur de succomber à lui, je tentais de le maintenir au sol afin de reprendre mes esprits et d'éloigner de ma personne cette passion dévorante. J'arrivai à lutter mais pour combien de temps encore ? Avec plus de calme, je voulus me surpasser en approchant plus près de lui. Par conséquent, je décidai de m'asseoir juste à côté de lui. Il semblait surpris mais ne dit mot à ce retournement. D'un petit sourire, je lui fis signe que j'étais à l'aise, ou plutôt que la confiance avait repris le dessus.

"Sorcière, en effet... Qui se découvre ! Et toi alors, je n'ai pas bien saisi... Tu n'es pas vampire, tu es sorcier, vrai ?"

Je me tournai en sa direction, le regardant dans les yeux avec douceur. Cependant, il risquait peu de retrouver dans cette tendresse la femme au même visage qu'il avait désiré, bien que j'ignorais encore qu'elle n'était pas la seule, étant fragile et dégageant un charme que je ne détenais en rien, j'avais simplement sa beauté et non son attirance surhumaine qui collait avec sa face terriblement pessimiste.

"Tu ne souffres pas de ce lien..? Je veux dire, être attirée par celles que ton frère désire et inversement ? Et Aloycia...?"

Je venais de me promettre d'éviter de lui poser la question, mais celle-ci me brûlait les lèvres. Il fallait que je sache, qu'il se confie, qu'il me dise tout. Ses yeux en disaient si peu, mais ses traits parlaient énormément, mais je ne les écoutais pas. J'étais entièrement subjuguée par l'incroyable perfection qui émanait de ces derniers, l'emprise était forte mais je devais y résister. Il avait ce lien avec ce frère, comme j'avais ce lien avec Aloycia. Après tout, nous avions plus de points communs que je l'aurai cru.

Nathanael l’observe. Le sybaritisme se condense en fines gouttelettes qui perlent sur la peau féminine et sous l’éclairage artificiel, fait ressortir le désordre qui poudroie le corps de Vicky. Dans les prunelles cobalt du sorcier, les impuretés céruléennes serpentent sous la surface lisse de son regard. Quelles volontés peuvent sinuer de pareille façon dans la mouvance de ses pensées ? Ses cils sont des persiennes cachottières.

« Oui, je viens d’une famille de sorciers de Salem par ma mère. Je lui dois du bourrage de crâne de sorcellerie en bonne et due forme. »

En écho à sa pareille, il lui sourit. Sous des apparences tranquilles, le relâchement de cette dernière ressemble à un papillon sauvage prompt à battre des ailes. Nathanael se tourne vers elle. Lancer un filet un bestial conviendrait à une bête fauve, pour un papillon… il n’y a guère que le vaporeux d’une invitation épanouie qui puisse le retenir sans le blesser. La voix de Vicky, de nouveau… la question qui devait attendre, tapie.

« Ah… Tu as de bonnes questions… Tout dépend de l’intensité des relations avec les femmes. Plus l’attraction est forte, plus ceci est problématique… mais je suis plus possessif qu’Azraël… Et nos personnalités diffèrent, nous ne vivons pas nos relations de la même façon. »

Le corps masculin s’est figé, soulignant l’interrogation comme si elle était une exaction pour lui. Néanmoins, il a répondu. Le rythme a été sec, fait de passages brefs en staccato entrecoupés de points d’orgue de silence. Sa poitrine se soulève sous le vêtement, permettant à l’air d’entrer dans ses poumons et de refroidir la chaleur caustique inspirée par la dernière question. Il reprend rapidement.

« Quant à Aloycia, elle n’a jamais rencontré Azraël. Si elle avait refait surface aujourd’hui, nos rapports auraient été biaisés par ce passé déséquilibré. Je suppose qu’elle m… »

« Qu’elle m’aurait préféré. » Les mots se perdent dans un vide de sens. L’épicentre de la controverse a disparu, ses remous avec elle. Les lèvres se sont fermées brutalement. Une crispation pousse légèrement la lèvre inférieure vers l’avant, lui donnant un air un peu boudeur, son regard se repose dans un recoin de la pièce, préférant éviter la confrontation avec celui de sa vis-à-vis. Ses réponses inexistantes peut-être aussi.

« Je vais paraître versatile mais… il valait mieux qu’Aloycia ne soit plus. Elle était attirée par une de mes incarnations passées et, bien que je me souvienne de qui j’étais alors, je ne suis plus cette personne, au même titre que tu n’es plus Aloycia. »

Son attention revient vers elle. La condition présente partagée le fait revenir dans la maison d’une étudiante, qui a presque son âge, qui est sorcière comme lui et que sa personne ne semble pas repousser. La pression fuit silencieusement à travers la soupape de similarité, ses muscles de détendent de nouveau. Si l’ambigüité de sa situation est un obturateur opaque à ses marques d’intérêt, la similitude en est au contraire une lentille convergente.

« Je peux t’aider à contrôler tes pouvoirs ? La sorcellerie est dangereuse pour les novices. Du côté de ma mère, nous sommes sorciers depuis des générations, je viens d’une famille habituée à former ses membres. »

Offrir son aide, c’est un peu s’offrir soi-même. Nathanael n’est pas mauvais mais il n’est pas bon non plus. Habitué à un camaïeu de demi-teintes où seule l’ambivalence jouit de la saturation, il n’est pas assidu au don de soi. Ses zygomatiques se tendent autant par douceur que par crispation d’avoir émis une invite exotique pour lui. On ne reste pas longtemps dans une zone d’inconfort, on lui trouve toujours une échappatoire. Au cas où…

« Euh… Je comprendrais que tu refuses. Tes parents doivent te former comme ma mère l’a fait avec moi. Et puis… »

Elle lui a demandé de retirer la couverture qui lui dérobait la compréhension d’une part de son être, pourquoi n’en ferait-il pas autant ? Malgré tout, son hésitation muette ses envies. Il s’est réincarné des dizaines de fois, il goûte le temps différemment. Les mots en sommeil ne le gênent pas. Parfois, un silence l’emporte en sémantique sur une parole malheureuse. Enfin, les mots se réveillent, il peut les prononcer.

« Tu semblais ennuyée tout à l’heure quand je t’ai touché le cou. Je pensais que mon frère t’avait mordue, je voulais regarder si je pouvais t’aider… Je suis peut-être trop… euh… j’aurais dû te prévenir ? »

Sa proposition était très tentante, mais fallait-il que je me lance dans une profession de sorcière, où améliorer mes pouvoirs me rendrait malade au point de vouloir tout posséder. Au fond, j'étais parfaitement consciente de mes dons, et ils étaient bien trop puissants pour une simple femme au coeur décomposé telle que moi. Il fallait que je contrôle, que je me contrôle, Nate devait m'aider. Mais plus je le regardais dans les yeux, plus j'hésitais entre le fuir ou goûter à ces lèvres, tentation si prenante, et qui me dérangeait malheureusement.

"Mes parents sont disparus aux dernières nouvelles, et ceux qui m'ont élevé n'ont rien de bon à m'apporter, à part désirer remplir leur contrat."

Rien que ce dernier mot me pétrifia de l'intérieur. Je n'avais guère envie de tout dire, mais peut-être que le toucher lui ferait voir ce que j'ai traversé, ou plutôt ce que je sais, concernant ma famille de vampires adoptifs, ayant conclu un pacte avec le mari d'Aloycia pour la faire revenir quelques temps plus tard sous une apparence semblable et qui, le jour de ses dix-huit ans, serait amené à redevenir celle qu'elle était en les bras de son impatient époux. Sans grande hésitation, je plongeai mon regard dans le sien, et sans rien annoncer, mes doigts se posèrent avec délicatesse sur la paume de ses mains, tentant d'établir cette connexion si chère à mon coeur. Rien d'extraordinaire ne semblait se passer, juste cette sensation que je livrais sans poser une note sur le registre de ma voix.

"Je pense que tu sais à présent ce que tu as à savoir, tout comme le fait que ton frère ne m'a pas mordu" répondis-je en retirant mes mains avec vivacité, les replaçant sur mes genoux comme une vieille femme. "Me prévenir n'était pas nécessaire, mais tu restes encore un mystère pour moi, cela est certain."

J'accompagnai le tout d'un fin sourire au coin de mes lèvres, tentant de dissimuler cette passion qui, à mon grand soulagement, se tapissait au fur et à mesure que le passé désirait s'évader de mon esprit. Il fallait attendre encore jusqu'à mon anniversaire, dans quelques mois, afin que ma vie antérieure n'ai plus d'impact sur ma nouvelle personne. Rien que cette idée m'emplissait d'une joie extrême, et je devais sourire bêtement car son faciès arborait une expression sereine et presque amusé.

"Et sinon, tu t'intègres bien dans le décor avec tes dons ? Je veux dire... Cela doit être dur de devoir cumuler des vies, des souvenirs, des émotions et ressentiments, des peurs et des savoirs. Tout ceci pèse sur la conscience, mais tu sembles néanmoins... Apaisé."

En disant ceci, je songeais également à ma propre condition, et à ce qui m'avait conduit à chercher qui j'avais pu être. La curiosité ? Car j'avais toujours fui les souvenirs, ou du moins, avancer était une action à laquelle je m'adonnais régulièrement lorsque les évènements confinaient à raser mon coeur de toute force, mais ceux concernant cette trahison et remise en question sur ma vie me hantait, telle une peur que l'on ne peut vaincre. Et c'est ainsi que je me perdis dans mes pensées, loin, bien loin, trop loin. Et si Nate était celui qui allait me conduire sur le chemin de ma destinée, la bonne ? Cela faisait film bidon américain, mais la vie est bien faite de tristesse comme d'espoir. Il se pouvait bien qu'il soit le mien, d'espoir. Mais cela restait à voir.

« Pardon ? Le contrat de tes parents ? »

Bénéficier de plusieurs vies implique assurément une certaine ouverture d’esprit sur l’évolution des mentalités. Néanmoins, avec une incarnation bien établie dans son siècle, Nathanael pèse une situation américaine contemporaine selon les critères américains contemporains et, à moins qu’il n’ait hiberné quelques années, au vingt-et-unième siècle et dans cette partie du globe, peu de parents mettent des contrats sur la tête de leurs enfants.

La surprise n’a pas le temps de s’installer davantage que déjà, dans la paume de l’homme, des doigts fins se déposent. Un battement de paupières, un second… il tente d’atermoyer son pouvoir, de le modérer comme il peut. Un frisson dans son dos, remonte son échine comme une couleuvre qui flairerait un repaire fait pour elle. Une histoire sordide, d’une bassesse abjecte, celle de la jeune sorcière qui lui confie sa peau, sa mémoire.

On n’aime pas lire la pitié à son égard dans l’autre, à la rigueur la compassion, et encore… l’homme baisse un peu la tête, qu’elle n’entende qu’un raclement de gorge léger, presque de circonstance, si seulement cela pouvait exister. Elle reprend hâtivement la parole et il ne relève pas la part de mystère qui élude toute explication sur ses réincarnations. La magie peut beaucoup mais comme la science, elle a ses limites. Et les réincarnations ne tiennent pas de la magie.

« Apaisé ? Oui, c’est le bon mot. Je me souviens de mes phases d’acceptation, ça doit aider. »

Un air songeur flirte avec le doute. Quels questionnements peuvent flotter dans l’esprit de la jeune femme ? La soirée a commencé rapidement, avec une exaltation des souvenirs ressurgis trop rapidement dans la confusion obscure de l’exposition. Elle a peut-être commencé trop rapidement ?

Entre les quatre murs de l’appartement, Nathanael voit deux personnalités, celle en face de lui est en plein évolution. C’est celle d’une semblable déjà rencontrée par le jeu d’un karma fantaisiste. La sienne, tapie au fond d’une éducation si différente des précédentes, est bridée, sans aucun doute.

Il y a toujours à dire, à découvrir. Les paroles échangées retirent les feuilles opaques qui les cachent l’un à l’autre. Elles sont faites de fibres d’émotions, de faits purs, d’intangible et de patent. Ils se découvre autant en relatant les épisodes de sa vie qu’en laissant percer ce qu’ils ont ressenti alors.

Pourraient-ils aller plus loin ? Il est contestable que ce soit la meilleure alternative. Au niveau de la morale, le problème ne se pose pas vraiment. Ils sont adultes tous les deux et elle est bien capable de savoir ce qu’elle désire ou au contraire, ce qu’elle fuit. Surtout avec le caractère dont elle semble être pourvue.

Mais la soirée a été suffisamment tourmentée pour une première rencontre. Nathanael préfère ne pas charger davantage cette entrevue. Lui comme elle ont besoin de laisser les images, les sons, les ressentis se faire dompter par eux. Jetés pêle-mêle en quelques heures, tout cela n’est qu’un ramassis de nouveautés. Le temps en fera des informations utiles.

L’homme prend congé, il donne à la femme les coordonnées qui lui permettront de le retrouver, si elle en a envie. Un numéro de téléphone, une suite de chiffres, un amas de sigles à qui elle pourra donner sens si elle le veut ou en a besoin.

Avec l'accord de Vicky, RP terminé! Very Happy